Mégabassines : lorsque le surdimensionnement d’un projet jaillit des lacunes de son étude d’impact

Par deux jugements du 3 octobre 2023, le Tribunal administratif de Poitiers a prononcé l’annulation des arrêtés ayant autorisé la création et l’exploitation de, au total, quinze réserves de substitutions dans les sous bassins de la Pallu et de l’Aume – Couture (dans la Vienne, la Charente et les Deux-Sèvres).

Dans les deux cas, l’analyse des données mises en avant par les exploitants, en comparaison avec celles de l’étude « Hydrologie, milieux, usages et climat », a révélé un surdimensionnement des projets au regard des capacités écologiques des milieux visés. Les conséquences du changement climatique n’avaient en outre pas été prises en considération.

Le jugement relatif au projet prévu sur le sous bassin de l’Aume – Couture comprend en outre une critique détaillée de l’étude d’impact sur laquelle s’est fondée la préfecture pour autoriser cet ouvrage.

Après avoir rappelé les exigences de l’article R.122-5 du code de l’environnement en terme de contenu d’une telle étude, le juge administratif poitevin liste une série d’écueils fatals pour l’autorisation en cause, en ce qu’ils occultent des informations « essentielles« . Le juge relève à ce titre :

  • la mention de pressions initiales sur la ressource en eau, sans les mettre en lien avec celles attendues en raison du projet;
  • l’usage de références fragiles, voire infondées (trop anciennes, ne reposant sur aucune source scientifique, incohérentes);
  • l’absence de définition des notions utilisées, instabilités des termes évoqués, jusqu’à l’usage d’affirmations péremptoires, « erronées ou trompeuses« ;
  • l’absence de description de l’évolution dans le temps du projet ;
  • l’évocation d’effets cumulés du projet avec d’autres ouvrages, dont la seule prise en considération a consisté à se référer à une « harmonisation des règles de gestion du remplissage » des bassins de substitutions de la zone concernée.

Une telle décision interroge. Non pas en raison de sa conclusion, laquelle apparait comme solidement circonstanciée, mais sur les conditions d’adoption de l’autorisation annulée.

L’hypothèse classique du manque de moyens de l’administration voudrait qu’une étude d’impact aussi lacunaire puisse toutefois aboutir à une autorisation en raison d’une disponibilité trop réduite des services préfectoraux pour lui accorder l’attention qu’elle mérite. Cette supposition disparait ici à la lecture de l’avis de l’autorité environnementale sur le projet en cause.

L’Ae relevait en effet déjà en 2019 la faiblesse de l’étude d’impact qui « n’apporte pas d’éléments permettant de justifier [s]es choix« , ni de « démonstration de la pertinence » des valeurs utilisées. Elle concluait sans équivoque : « les éléments fournis ne permettent pas de garantir une prise en compte satisfaisante de l’environnement par le projet« . La préfecture avait donc un pleine connaissance des faiblesses méthodologiques et fondamentale de l’étude d’impact. Elle a pourtant bel et bien autorisé le projet de l’état.

A la suite de la décision ayant conduit à la démolition d’éoliennes, le jugement du Tribunal administratif de Poitiers sonne donc comme un nouvel avertissement sur la qualité des étude d’impact. Si l’administration refuse d’entrer dans le détail pour remettre en question une étude d’impact ayant manifestement troqué la défense d’un projet contre sa rigueur scientifique, tel n’en sera pas le cas pour le juge.

Les jugements sont consultables ici et .

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