ICPE : publication des orientations stratégiques pluriannuelles 2023-2027

Le 27 janvier dernier, les préfets ont reçu du Ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires une instruction définissant les orientations stratégiques des inspecteurs ICPE pour la période 2023-2027.

Ce document détermine les actions prioritaires des services inspecteurs des ICPE (DREAL, DRIEAT, DEAL, DDPP, DDETSPP), pour les quatre prochaines années.

Les ICPE en deux mots

Pour rappel, la réglementation relative aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) vise à encadrer les activités susceptibles d’avoir un impact plus ou moins notable sur certains intérêts protégés (nature, environnement, paysage, salubrité, voisinage, utilisation des sols, conservation des sites…). Ces activités sont, selon des seuils fixés par une nomenclature, soumises à déclaration, à enregistrement ou à autorisation, en fonction de la gravité des dangers que peut présenter leur exploitation.

Les inspecteurs de l’environnement sont chargés d’assurer le respect de la réglementation par les exploitants des ICPE. Les orientations qu’ils reçoivent ont donc une importance fondamentale sur l’appréciation qu’ils retiendront s’agissant de la maîtrise des risques, de l’intégration des enjeux de biodiversité ou encore de l’opportunité d’engager des procédures de sanctions à l’encontre des contrevenants.

Les missions de l’inspection face à des enjeux pas si nouveaux

Les missions envisagées par le Ministre sont en adéquation avec les enjeux et conformes aux attentes des citoyens :

  • la meilleure prise en compte de la biodiversité, victime d’une érosion sans précédent,
  • la réduction et adaptation au réchauffement climatique,
  • la lutte contre la criminalité environnementale, face au développement d’activités illégales mais aussi en tirant les conséquences d’accidents résultant de la négligence d’exploitants
  • la transparence et la concertation dans les territoires, afin d’améliorer l’acceptabilité des projets.

A ces missions s’ajoute une volonté de modernisation des outils à disposition de l’inspection.

Pour mettre en œuvre ces missions, le Ministre annonce un renforcement des moyens humains visant à réduire les délais d’instruction des dossiers et accentuer la présence sur le terrain.

Certaines orientations méritent toutefois une analyse plus poussée.

Orientation stratégique #1 : la notation des bureaux d’études

La mise en service d’une ICPE est conditionnée à la démonstration d’une maîtrise des impacts de l’exploitation sur son environnement. Cette démonstration se matérialise par une étude d’impact ou un document d’incidence environnementale généralement préparé par un bureau d’études.

Si le contenu de ces documents est précisé par le code de l’environnement, il n’existe pas de méthodologie uniforme. La qualité des dossiers déposés est donc hétérogène.

Afin de remédier à cette problématique, l’instruction prévoit la mise en place d’un « dispositif d’évaluation de la qualité des dossiers« . Ce dispositif consistera en la mise en place d’un référentiel technique de qualité. Il semble que ce référentiel entraînera une notation des bureaux d’études, lesquels pourraient également être soumis à une obligation/incitation à la certification.

Cette démarche est peu compréhensible : plutôt que de fixer par la voie réglementaire une méthodologie d’élaboration des études devant figurer dans un dossier ICPE, il a été choisi de mettre en place un dispositif de notation sanctionnant, in fine, certains bureaux d’études. Cela ne peut avoir pour effet que de favoriser les bureaux d’études les plus importants. En effet, ceux-ci disposent du personnel nécessaire à l’élaboration sereine des dossiers et d’un vivier de clients suffisant pour « noyer » les mauvaises notes.

Si l’homogénéisation de la qualité des dossiers est en effet un objectif vers lequel tendre, le moyen choisi demeure critiquable.

Orientation stratégique #2 : vers le réexamen de la nomenclature des ICPE

A la lecture de l’orientation ayant pour objet « une attention particulière à la proportion des procédures« , il semble que le rehaussement des seuils de la nomenclature pour des ICPE de plus en plus nombreuses soit à prévoir.

Le passage de certaines ICPE du régime de l’autorisation à celui de l’enregistrement, moins contraignant, s’est accéléré ces dernières années. Les ICPE soumises à enregistrement représentent désormais 55% du total des ICPE, contre 33% en 2015.

Les ICPE soumises à autorisation sont donc de moins en moins nombreuses alors que les enjeux environnementaux sont de plus en plus forts.

Il semble que la démarche va se poursuivre, « à l’aune de la proportionnalité des procédures et des options ouvertes par le dispositif de « clause-filet »« .

Le dispositif de clause-filet n’a toutefois pas vocation à minimiser les obligations qui s’imposent aux exploitants. Il ne peut donc servir d’excuse pour justifier une plus grande souplesse à l’égard d’installations présentant des risques pour l’environnement et la santé. Il ré-oriente cependant le débat vers les juridictions administratives, où toute discussion interprétative quant à la bonne mise en œuvre de la clause filet est tranchée.

Orientation stratégique #3 : un travail plus étroit avec les parquets

Afin de lutter contre la criminalité environnementale, l’instruction envisage une meilleure mobilisation de l’inspection des ICPE sur le volet pénal.

Outre l’annonce d’une convention nationale entre le Ministère de la Justice et celui de l’Environnement, des conventions entre l’inspection et les pôles spécialisés des parquets seront conclues afin de fluidifier le fonctionnement collectif.

L’accent sera mis sur l’information réciproque ainsi que sur le travail conjoint entre les services inspecteurs et les services de police et de gendarmerie pour les auditions pénales.

L’objectif est d’assurer une action rapide face à des constats de situations présentant des risques. Il s’agira également de permettre une mobilisation plus aisée des sommes consignées par la justice pour faire cesser les atteintes à l’environnement.

Orientation stratégique #4 : une surveillance accrue dans le domaine des déchets

Le domaine des déchets donne lieu à des difficultés importantes pour les inspections ICPE, qui sont souvent contraintes de prendre des mesures a posteriori.

Le document d’orientation envisage ainsi des mesures qui permettront de limiter les situations à risque et de les détecter plus tôt.

Dans certains cas, le dispositif de « clause-filet » sera mobilisé pour obtenir des informations environnementales complètes sur les installations.

En présence d’un exploitant non-propriétaire du site, celui-ci devra produire un document démontrant l’accord du propriétaire pour l’exercice de telles activités sur son site. Cette exigence pourra avoir des conséquences sur la responsabilité du propriétaire en cas d’insolvabilité de l’exploitant lors de la remise en état. Celui-ci ne pourra plus, dans ce cas, prétendre qu’il ignorait l’activité exploitée sur son terrain pour éviter d’être considéré comme négligent.

Orientation stratégique #5 : une revue de la procédure faisant suite à un constat de non-conformité

Classiquement, en cas de constat de non-conformité lors d’un contrôle de l’inspection des ICPE, une procédure contradictoire est engagée afin d’y remédier. Cette procédure est menée par le Préfet, sur la base des constats de l’inspection. Sauf en cas d’urgence, une mise en demeure doit être transmise à l’exploitant préalablement à toute sanction.

Les orientations stratégiques indiquent qu’il est envisagé de revenir sur cette procédure :

  • les préfets donneront délégation de signature à l’inspection des installations classées pour mener les procédures contradictoires,
  • des dispositions législatives seront proposées pour permettre la mise en œuvre des sanctions
    administratives en matière de police des déchets sans mise en demeure,
  • dans certains cas, les mises en demeure pourront être signées par un inspecteur des installations classées.

Si l’on comprend la volonté de simplification, ces mesures conduiraient parfois à mettre entre les mains d’une seule personne, un inspecteur de l’environnement, le contrôle de l’installation, la maîtrise de la phase contradictoire et la mise en demeure des exploitants. Ceux-ci pourraient, dans certains cas que l’on imagine être les plus graves, être sanctionnés sans avoir eu l’occasion de remédier à la situation.

Toutefois, dans la mesure où il est déjà prévu par le code de l’environnement que l’urgence permet d’éviter le recours à une mise en demeure, le dispositif paraît, au mieux, redondant. S’il a vocation à s’appliquer à des situations où l’urgence n’est pas caractérisée, il paraît alors dangereux.

Orientation stratégique #6 : un meilleur traitement des signalements

Un téléservice de déclaration des signalements relatifs aux installations classées sera mis en place afin de structurer les informations et les demandes et améliorer la capacité d’intervention des inspecteurs.

Orientation stratégique #7 : la création d’Envinorma

La forme des arrêtés préfectoraux sera revue afin de distinguer les prescriptions générales applicables à toutes les installations d’une même rubrique de la nomenclature et celles, particulières, applicables au site.

L’arrêté préfectoral, qualifié de « svelte », ne régira que les seules spécificités d’un site, tandis que les dispositions plus génériques et transversales seront établies dans un cadre national.

Pour assurer la diffusion de l’information, un outil, Envinorma, sera créé et permettra de connaître l’ensemble des prescriptions applicables à un site industriel, qu’elles soient issues d’arrêtés ministériels ou d’arrêtés préfectoraux individuels.

Orientation stratégique #8 : un renforcement de la participation du public

Afin de moderniser certains dispositifs d’interaction avec le public, la synthèse de la participation du public par voie électronique sera confiée à un commissaire-enquêteur, qui consignera les observations dans un procès-verbal de synthèse. Actuellement, cette mission relève des services instructeurs.

Il est également envisagé que les réunions des Commissions de suivi des site (CSS), créées en vue de suivre des installations présentant des dangers particulièrement importants, fassent parfois l’objet d’une diffusion sur internet. Cela permettra d’étendre l’information au-delà de leurs membres.

En cas d’accident, il est également prévu que les inspecteurs des installations classées reçoivent des outils de formation complémentaire afin de disposer des bons réflexes sur les informations à mettre rapidement à disposition du public.

Les orientations envisagent également la modernisation des procédures et le recours de plus en plus large au téléservice, tant pour les documents à transmettre par les exploitants que pour les signalements reçus du public.

Les inspecteurs seront eux-mêmes dotés de nouveaux outils pour faciliter l’accès à l’information et automatiser le processus d’élaboration de certains actes.

Ces orientations sont donc le signe de travaux législatifs et réglementaires à venir en matière d’ICPE.

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