L’insuffisance de l’étude d’impact peut entraîner la démolition d’éoliennes

Le 11 janvier 2023 la Cour de cassation a rendu une décision intéressante quant au sort d’un parc éolien dont le permis a été annulé en raison de l’insuffisance de l’étude d’impact.

En 2014, le Préfet de l’Hérault avait délivré à une société un permis de construire en vue de l’édification de sept éoliennes. Trois associations de protection des paysages ont contesté le permis devant les juridictions administratives.

Le 26 janvier 2017, la Cour administrative d’appel de Marseille a finalement annulé le permis délivré.

Sur la base de cette décision, en 2018, les associations ont assigné la société en démolition du parc éolien et en dommages et intérêts devant les juridictions judiciaires.

Démolition d’éoliennes : compétence du juge judiciaire

Les juridictions judiciaires sont compétentes pour se prononcer sur les demandes de démolition à condition que le juge judiciaire ne substitue pas sa propre appréciation à celle de l’administration.

En effet, il résulte d’un arrêt du 25 janvier 2017 que « les tribunaux judiciaires ont compétence pour se prononcer tant sur les dommages-intérêts à allouer aux tiers lésés par le voisinage d’une telle installation classée que sur les mesures propres à faire cesser le préjudice que cette installation pourrait causer dans l’avenir, à condition que ces mesures ne contrarient pas les prescriptions édictées par l’administration en vertu des pouvoirs de police spéciale qu’elle détient« .

Lorsqu’un permis de construire a été annulé, le juge judiciaire ne s’immisce pas dans l’exercice de la police administrative. Il ne fait que tirer les conséquences de cette annulation. La démolition d’une construction initialement autorisée, avant d’être annulée peut être ordonnée.

Si cette jurisprudence est constante, l’arrêt du 11 janvier 2023 apporte des éclaircissements sur l’impact des motifs d’annulation par les juridictions administratives sur les demandes pouvant être formulées devant le juge judiciaire.

Impact des motifs de l’annulation sur la démolition

L’article L.480-13 du code de l’urbanisme dispose que :

« Le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l’ordre judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d’urbanisme ou des servitudes d’utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative« 

Cet article pose donc deux conditions cumulatives à la recevabilité d’une action en démolition devant le juge judiciaire :

  • l’annulation préalable du permis de construire par les juridictions administratives,
  • la méconnaissance des règles d’urbanisme ou de servitudes d’utilité publique.

Dans l’affaire portée devant la Cour de cassation, la cour d’appel de Montpellier avait refusé de prononcer la démolition des éoliennes. Elle avait justifié ce refus par le fait que l’annulation prononcée par les juridictions administratives ne résultait pas d’une méconnaissance des règles d’urbanisme ou des services d’utilités publiques applicables, véritables « règles de fond en matière d’utilisation des espaces ». En effet, l’annulation avait été prononcée en raison de l’insuffisance de l’étude d’impact concernant la présence d’un couple d’aigles royaux sur le terrain d’assiette du parc éolien. Ce faisant, la cour d’appel a estimé que cette insuffisance ne constituait pas une méconnaissances des règles d’urbanisme.

Saisie du pourvoi, la Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel et ouvert la voie à la démolition en considérant que celle-ci pouvait résulter de « toute méconnaissance des règles d’urbanisme ou des servitudes d’utilité publique« . Ainsi, la Cour de cassation considère que l’insuffisance d’une étude d’impact constitue bien une méconnaissance des règles d’urbanisme.

La Cour de cassation rappelle par ailleurs que la seule réserve réside dans la nécessité de démontrer un préjudice personnel en lien de causalité direct avec la violation.

Démolition d’éoliennes: le critère de la localisation du projet

En appel, la cour avait rejeté l’argumentaire des associations selon lequel la démolition était nécessaire compte tenu de la localisation du projet de parc éolien dans un secteur bénéficiant d’une protection particulière. Elle avait alors estimé que les associations ne précisaient pas les dispositions protectrices de ces espaces qui pourraient être incompatibles avec la construction du parc.

Cette approche était étonnante puisque cela revenait à débattre à nouveau de la légalité du parc éolien, développements pourtant réservés aux juridictions administratives.

La Cour de cassation a donc sanctionné la cour d’appel sur ce point. Elle a précisé que la condamnation à démolir est subordonnée à la seule localisation géographique de la construction à l’intérieur de l’une des zones visées « sans qu’il soit nécessaire que la construction ait été édifiée en violation du régime particulier de protection propre à cette zone ».

Ainsi, au stade de l’examen du dossier par le juge judiciaire, l’existence d’une zone de protection et la localisation du projet au sein de cette zone suffisent à justifier une demande de démolition. Une fois l’annulation prononcée, le débat sur la compatibilité de la construction avec les dispositions protectrices de la zone n’a alors plus lieu d’être.

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Photo: lukasbieri de Pixnio

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