Sites et sols pollués : adoption par la Commission européenne d’une stratégie sur l’état des sols pour 2030

La Commission européenne a publié, le 17 novembre 2021, les résultats de sa consultation sur la nouvelle politique européenne en faveur de la protection des sols.

Alors que le projet de directive-cadre sur le sujet n’a pas refait surface depuis l’échec des négociations en 2014, la première stratégie européenne adoptée en 2006 vient de connaître une importante mise à jour. Aux côtés d’objectifs modernisés et prenant acte de la proportion importante des sols européens pollués (près de 70%), cette nouvelle stratégie annonce l’adoption d’une « Soil Health Law » contraignante d’ici 2023.

La stratégie, pour ce qui la concerne, présente les objectifs que se fixe la Commission suivant deux temporalités : le moyen et le long terme.

Les objectifs de moyens termes, dont on peut attendre la réalisation d’ici quelques années, sont alors les suivants :

  • lutter contre la désertification, restaurer les sites dégradés (désertification, sécheresse, inondation) afin d’atteindre un objectif de neutralité (dégradation/restauration) ;
  • restauration d’une quantité « significative » de zones accueillant des éco-systèmes riches (puits de carbone) mais dégradées ;
  • atteindre un objectif de capture de gaz à effet de serre de 310 millions de tonnes équivalent CO2 par an, uniquement par une bonne utilisation des sols ;
  • permettre aux eaux de surface et souterraines d’atteindre un bon niveau écologique et chimique d’ici 2027 ;
  • réduire la perte de nutriment, l’utilisation et les risques liés aux pesticides chimiques ainsi que l’utilisation de pesticides dangereux de 50%.

Quant aux objectifs à longs termes, il s’agit d’ambitions plus systémiques, telles que :

  • mettre fin à l’augmentation nette de la surface de terres occupées ;
  • réduire la pollution des sols à des niveaux considérés comme non dangereux pour la santé humaine et les écosystèmes naturels, respecter les limites écologiques de la planète ;
  • atteindre la neutralité carbone par, dans un premier temps, la réalisation de cet objectif de neutralité dans l’utilisation des sols ;
  • parvenir à une société résiliente au dérèglement climatique en 2050.

Autre apport de la nouvelle stratégie à signaler, celle-ci révèle les définitions officielles de la Commission, dont notamment celle de sol sain :

« Les sols sont sains lorsqu’ils présentent une bonne qualité chimique, biologique et physique ainsi que lorsqu’ils ont la capacité d’offrir autant de services écosystémiques que possibles parmi les suivants :

  • produire de la nourriture et de la biomasse (agriculture et gestion forestière incluses) ;
  • absorber, stocker et filtrer l’eau, pouvoir transformer nutriments ou autres substances tout en protégeant les eaux souterraines ;
  • fournir les bases nécessaires pour le maintien de la vie et de la biodiversité, par, notamment, l’apport d’habitats et l’accueil d’espèces et d’une diversité génétique ;
  • jouer le rôle de puit de carbone ;
  • offrir un support physique ainsi que présenter un intérêt culturel nécessaires aux humains et à leurs activités ;
  • offrir des ressources en matériaux bruts ;
  • faire office d’archive géologique, géo-morphique et archéologique » (traduction libre).

Cette définition, bien que générale, est loin d’être sans intérêt. Elle propose en effet des points de repère utiles à l’appréciation du niveau de qualité d’un sol. Ils pourraient, par exemple, servir de supports objectifs dans le cadre d’un litige autours de la sensibilité et de l’usage possible sur un site. Ils trouveraient également leur place au sein d’un débat sur la valeur écologique d’un sol lorsque celui-ci a été dégradé ou non. La notion de sol sain viendrait donc enrichir tout débat relatif à la qualification d’un préjudice écologique sur un sol, ou encore sur la possible valeur d’un site au sein d’un programme de compensation environnementale.

La stratégie ajoute, parmi ses autres actions particulièrement remarquables, qu’une analyse des flux générés, traités et réutilisés de terres excavées au sein de l’Union sera réalisée d’ici 2023, ainsi qu’un diagnostic du marché ainsi généré par ces activités.

Les résultats de cette analyse viendront alors nourrir les réflexions autour des dispositions présentes dans le texte, que l’on espère contraignant, annoncé par la stratégie : la « Soil Health Law ».

Ce texte à venir est présenté comme étant le support juridique des objectifs de la stratégie. Il intégrera les résultats des mesures d’analyses réalisés tout en déterminant, en fonction, les contraintes nécessaires à l’atteinte des buts définis.

La Commission annonce à ce titre que la Soil Health Law pourrait définir une obligation de séparation de tri des déchets organiques.

Elle serait également susceptible de prévoir la mise en place d’un « passeport pour terre excavés » permettant d’assurer un suivi précis de la nature, de l’état et de la quantité de terres transportées sur le territoire de l’Union. Cette mesure ferait échos aux récentes réformes françaises qui, en contrepartie de permettre une sortie du statut de déchet facilitée pour les sols excavés, renforce et optimise le suivi desdits sols, notamment par la création d’un fichier national.

Le texte contraignant est également annoncé comme comprenant plusieurs définitions légales relatives aux objectifs de la stratégie, telles que celles de perte nette de terre.

En définitive, si la précédente stratégie thématique européenne avait déçu par son manque de suivi, la mouture de 2021 apparait comme plus prometteuse. Elle fixe des objectifs précis, présente des définitions moins génériques que celles établies par sa prédécesseuse et annonce, surtout, l’adoption d’un texte contraignant.

Il s’agira néanmoins de ne pas oublier que la version de 2006 de la stratégie se voulait déjà préparer le terrain à l’adoption d’une directive-cadre sur les sols et que ce projet n’a jamais abouti. Espérons alors que la Commission actuelle ait à la fois appris des échecs du passé et perçu, au gré des débats et réformes nationales, qu’il était finalement temps pour les Etat-membres de se doter d’un socle juridique commun.

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