Les actions en justice climatiques ont-elles des effets concrets ? Le regard de la revue scientifique Nature

Les actions en justice pour une meilleure prise en considération du changement climatique se multiplient. Des exemples émergent dans le monde entier, qu’il s’agisse de la décision Urgenda aux Pays Bas, celles dite des « jeunes activistes allemands » , de l’exemple français de l’Affaire du siècle ou encore de la récente décision rendue par la Cour Européenne des Droits de l’Homme à l’encontre du gouvernement suisse.

Dans un édito intitulé « Do climate lawsuits lead to action ? Researchers assess their impacts », la Dr Carissa Wong, rédactrice pour la revue internationale Nature, s’est interrogée sur les effets concrets de ces actions. Elle a pour cela consulté plusieurs acteurs et observateurs des politiques climatiques, tant publiques que privées.

Le bilan se révèle globalement positif. Selon les données du Climate Litigation Network et du Sabin Center for Climate Change Law, les procédures dirigées contre les Etats ont suscité des réformes normatives, parfois en réaction directe à la décision de justice les ordonnant. Ainsi le gouvernement Hollandais a-t-il renforcé ses objectifs climatiques à l’issue de la décision Urgenda, dont la définition d’une interdiction complète des centrales à charbon. De la même manière, le gouvernement allemand a redéfini ses objectifs en matière de réduction des gaz à effet de serre à la suite de la décision obtenus par les « jeunes activistes ».

Cette influence en faveur d’actions concrètes est également ressentie dans le secteur privé. Selon un document de travail publié par le Centre for Climate Change Economics and Policy en mai 2023, les procédures contentieuses contre les entreprises provoquent une baisse notable de leur valeur boursière. Cet impact financier touche notamment les entreprises pétrolières, telles que Shell et BP. Les investisseurs se montreraient en effet de plus en plus sensible au risque réputationnel induit par un possible condamnation. Les chercheurs du Graham Research Institute observent en outre une modification de la communication des firmes concernées, laquelle serait moins sujette à des manœuvres de greenwashing une fois visée par une action judiciaire.

Les informations recueillies par la Dr Wong confirment en définitive que les actions judiciaires donnent bel et bien lieu à des actes. Elles consolident ainsi le rôle essentiel de la société civile et du juge dans la lutte contre le changement climatique.

Pour l’heure, les réticences latentes empêchent de considérer les politiques publiques et privées comme suffisantes pour lutter contre le changement climatique. Rien d’étonnant, donc, à ce que les prédictions des observateurs en la matière s’accordent sur un point : les recours au juge continueront de se multiplier tant que les gouvernements n’auront pas adopté des mesures climatiques « fondées en science, rapides et ambitieuses ».