Espèces menacées : bilan de 16 ans de suivi

A l’occasion des 16 ans de la liste rouge des espèces menacées en France, une synthèse des résultats de ce programme a été publiée par l’UICN.

Qu’est-ce que la liste rouge de l’UICN ?

La liste rouge de l’UICN constitue l’inventaire mondial le plus complet de l’état de conservation global des espèces végétales et animales. Les 9 000 experts composant sa Commission de sauvegarde des espèces s’appuient sur une série de critères précis pour évaluer le risque d’extinction de milliers d’espèces et de sous-espèces, sur la base des meilleures connaissances scientifiques disponibles.

La classification dans les catégories d’espèces menacées d’extinction s’effectue par le biais d’une série de cinq critères quantitatifs: taux de déclin, population totale, zone d’occurrence et d’occupation, degré de peuplement et fragmentation de la répartition.

Sur la base des données disponibles, les espèces et sous-espèces sont classée dans l’une des onze catégories suivantes :

Les catégories en « danger », « en danger critique » et « vulnérable » indiquent un important risque d’extinction.

Ainsi, la liste rouge de l’UICN présente la situation mondiale de plus de 157,100 espèces (dont 44 000 menacées d’extinction) parmi les 1,9 millions d’espèces connues.

Il s’agit d’ un outil essentiel pour identifier les priorités de conservation et ainsi inciter les acteurs à agir pour réduire le taux d’extinction des espèces.

Cette liste a par la suite été complétée par la publication de lignes directrices permettant son application à différentes échelles, notamment nationale et régionale.

La liste rouge nationale

Depuis 2008, l’unité PatriNat (composée de l’OFB-MNHN-CNRS-IRD) et le Comité français de l’UICN sont chargés de mettre à jour une liste rouge nationale et d’établir une « liste hiérarchisée d’espèces à enjeux de conservation » pour que l’action publique soit priorisée sur ces dernières.

Ainsi, si la liste rouge nationale n’a pas d’effet juridique direct, les espèces endémiques présentes sur la liste rouge nationale les plus menacées (« en danger » ou « en danger critique »), doivent faire l’objet d’un plan d’action national prioritaire.

Le bilan des 16 ans de classification

A l’occasion des 16 ans du programme liste rouge, le Comité français de l’UICN et l’unité PatriNat dressent son bilan:

17 367 espèces ont été évaluées en France métropolitaine et en outre-mer ;
2 903 espèces sont aujourd’hui menacées (soit 16,7% des espèces évaluées) ;
189 espèces ont disparu de France dont certaines sont également éteintes au niveau mondial.

Les chiffres obtenues sont dramatiques : dans l’Hexagone 32% des oiseaux nicheurs, 28% des crustacés d’eau douce, 24% des reptiles, 23% des amphibiens et 23% des éphémères sont menacés d’extinction. En outre-mer, les plus forts pourcentages d’espèces menacées concernent la flore vasculaire (41 % à la Réunion ; 43 % à Mayotte), les reptiles (42 % à Mayotte) et les oiseaux (34 % en Polynésie française, 29 % dans les terres australes et 21 % à la Martinique)[1].

En outre, avec plus de 3 200 espèces classées en catégorie « Données insuffisantes », près d’une espèce sur cinq ne peut être évaluée du fait d’un manque de connaissances solides. Le recueil de données est pour autant le socle indispensable à toute politique de protection des écosystèmes digne de ce nom.

A ce titre, comme le rappelle le comité français de l’UICN la France porte « une responsabilité de premier plan aux niveaux mondial et européen pour enrayer l’extinction de la biodiversité. Elle doit donc renforcer son action au niveau national (protection des espèces, plans d’action pour les espèces les plus menacées, développement des aires protégées et du réseau écologique national, réduction des impacts des politiques agricoles et d’aménagement…) et international (application des accords internationaux, coopération avec les pays du Sud…). »

Ainsi, si la liste rouge a permis à certaines espèces menacées de bénéficier d’un Plan national d’actions (PNA)[2], la protection de la faune sauvage se révèle toujours largement insuffisante[3]. Le rapport de l’Observatoire National de la biodiversité publié à l’occasion des 10 ans de cette institution relève l’existence de pressions croissantes sur les écosystèmes français, dont notamment la destruction et la fragmentation des habitats ainsi que les prélèvement directs. Il en résulte un risque global d’extinction des espèces menacées en croissance de 14 % en moins de 10 ans.

Le cas du loup se veut particulière symbolique des écueils européen en la matière. Il démontre que lorsqu’une espèce anciennement éteinte en France réapparaît, les mesures de protection qui la concernent s’amenuisent sans considération des données scientifiques à son égard et sans prise en considération de son rôle au sein des écosystèmes locaux[4].


[1] Tableau de synthèse des résultats de la Liste rouge nationale 

[2]PNA (2021-2030) en faveur de l’Apron du Rhône ; PNA (2021-2030) en faveur de la Couleuvre de Mayotte ;  PNA (2021-2030) en faveur du Petrel Noir de Bourbon

[3] Sur les 120 espèces endémiques menacées d’extinction, nombreuses sont celles qui ne bénéficient toujours pas d’un PNA (Moitessierie trompette, Hylode de Pinchon, Chabot de l’Hérault…) [3]

[4] On constatera à ce titre la dégradation progressive du statut du loup au fur et à mesure des PNA Loup : augmentation du plafond de loups pouvant être tués passant de 10% à 19% de la population totale entre le PNA Loup de 2013-2017 et celui du PNA de 2018-2023.

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