Dépôt sauvage de déchets : compétence du Maire sur une parcelle privée

Dans un arrêt du 1er février 2024 [1],la Cour de cassation a confirmé le pouvoir du maire de procéder sur une parcelle privée aux contrôles administratifs en matière de police des déchets, en application de l’article L. 171-2 du code de l’environnement.

  1. Les pouvoirs de police du maire en matière de déchets

Pour rappel, dans le cadre des pouvoirs de police qui lui sont conférés, le maire peut faire cesser les causes d’insalubrité, au besoin en prescrivant, en cas de danger grave et imminent, l’exécution de mesures de sûreté exigées par les circonstances.

La loi du 15 juillet 1975 relative à l’élimination des déchets et à la récupération des matériaux a renforcé et précisé les pouvoirs du maire en matière de dépôts sauvages de déchets. Ainsi, lorsque des déchets sont abandonnés, déposés ou gérés contrairement à la réglementation, « l’autorité titulaire du pouvoir de police compétente avise le producteur ou détenteur de déchets des faits qui lui sont reprochés ainsi que des sanctions qu’il encourt »[2].

Si cette injonction reste sans effet, le maire peut mettre le producteur ou le détenteur de ces déchets « en demeure d’effectuer les opérations nécessaires au respect de cette réglementation dans un délai déterminé » et, s’il le juge opportun, lui infliger une amende administrative d’un montant maximum de 15 000 €. En cas d’inexécution de la mise en demeure, un arsenal de sanctions administratives est mis à la disposition du maire, dont notamment la consignation d’une somme aux mains d’un comptable public, la réalisation d’office des travaux de gestion ou encore le versement d’une astreinte journalière ou d’une amende pouvant atteindre 150 000 €. Des poursuites pénales peuvent au surplus être engagées.

  • Le contrôle administratif des mesures de police ordonnées par le maire

Les articles L.171-1 et L.171-2du code de l’environnement organisent les modalités de constatation de la bonne exécution de mesures de gestion imposées. Ainsi, les agents ont accès à tous locaux accueillant des installations  ou ouvrages où sont exploités des activités règlementées, dont notamment celles où sont stockés des déchets. Toutefois lorsque le contrôle porte sur le domicile d’une personne, ce droit d’accès se voit limité. Il ne peut être mis en œuvre « qu’en présence de l’occupant et avec son assentiment ».

En cas de refus par le propriétaire du lieu, « les visites peuvent être autorisées par ordonnance du juge des libertés et de la détention» compétent.

En l’espèce, après avoir mis en demeure avec astreinte le propriétaire d’une parcelle privée[3],  d’évacuer les déchets délaissés sur celle-ci, le maire de la commune concernée avait obtenu du juge des libertés et de la détention l’ordonnance pour réaliser un contrôle.

Le propriétaire de la parcelle a fait appel de cette ordonnance, puis s’est pourvu en cassation, considérant que le maire de la commune et son adjoint délégué n’étaient pas « agents » au sens de l’article L.172-2 du code de l’environnement.

Dans sa décision du 1er février 2024, la Cour de Cassation rejette cette position en considérant que « à défaut de dispositions particulières désignant, en matière de police des déchets, les personnes habilitées à procéder aux contrôles administratifs réalisés en application de cette règlementation, le maire de la commune concernée, titulaire de ce pouvoir de police, y est habilité et est un agent au sens de l’article L. 171-2 du code de l’environnement ».

Les juges de cassation confirme donc bien que la notion générale de « fonctionnaires et agents chargés des contrôles » englobe, sauf dispositions contraires, le Maire, détenteur du pouvoir de police des déchets.

Cette décision se veut éclairante en ce qu’elle dissipe une bonne fois pour toute un doute qui pouvait être exprimé par certains maires sollicités en présence de dépôts de déchets illégaux. Alors que les dépôts sauvages sur terrains privés sont un sujet qui préoccupe 90% des français[4], la Cour de cassation remet le maire au centre de l’attention. Sauf désignation autre, le voici lui et ses adjoints détenteur de ce puissant pouvoir de contrôle. Attention toutefois, car avec ce grand pouvoir vient la responsabilité de le mettre en œuvre et mécaniquement le risque de carence fautive.

La décision est disponible ci-dessous.


[1] Cour de cassation, Civ 3., 1er février 2024, n° 22-17089

[2] Code de l’environnement, article L.541-3.

[3] Son domicile en l’occurrence

[4] https://www.ecologie.gouv.fr/lutte-contre-depots-illegaux-dechets

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