Un décret n°2022-929 du 24 juin, publié au Journal Officiel du 25 juin, apporte d’importantes modifications au contentieux de l’urbanisme en zones dites « tendues » en étendant le champ d’application des litiges concernés par la suppression du degré d’appel et en prolongeant ce dispositif jusqu’en 2027.
Ce texte entrera en vigueur le 1er septembre prochain.
1) Prolongation de la suppression du degré d’appel pour certains contentieux jusqu’en 2027
Le premier apport de ce décret consiste en la prolongation du dispositif mis en œuvre en 2013 et tendant à la suppression du degré d’appel pour certains contentieux urbanistiques en zones dites tendues.
Pour mémoire, l’article 2 du décret n°2013-879 du 1er octobre 2013 a créé l’article R. 811-1-1 du code de justice administrative, instituant une nouvelle dérogation au principe de l’appel des décisions rendues par le Tribunal administratif, pour certains contentieux concernant des constructions, démolitions et aménagements en zones tendues :
« Les tribunaux administratifs statuent en premier et dernier ressort sur les recours contre les permis de construire ou de démolir un bâtiment à usage principal d’habitation ou contre les permis d’aménager un lotissement lorsque le bâtiment ou le lotissement est implanté en tout ou partie sur le territoire d’une des communes mentionnées à l’article 232 du code général des impôts et son décret d’application, à l’exception des permis afférents aux opérations d’urbanisme et d’aménagement des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 mentionnées au 5° de l’article R. 311-2.
Les dispositions du présent article s’appliquent aux recours introduits entre le 1er décembre 2013 et le 31 décembre 2022. »
Ce dispositif a été mis en place par le Gouvernement à la demande des acteurs de l’immobilier et face au constat des retards affectant certains projets à la suite de recours.
Cette exception ne concerne toutefois que les « zones tendues », à savoir les communes mentionnées à l’article 232 du code général des impôts et son décret d’application, qui se caractérisent par un déséquilibre entre l’offre et la demande de logements.
La suppression de la voie d’appel ne laisse subsister qu’une possibilité de contestation des décisions du Tribunal administratif devant le Conseil d’Etat, ce qui conduit nombre de requérants à renoncer à leur droit au recours, compte-tenu du coût souvent important de cette démarche et de sa durée.
Saisi par la voie de l’exception d’illégalité, le Conseil d’Etat a validé ce dispositif et jugé qu’il ne méconnaissait pas le principe d’égalité (CE, 10 février 2016, n°387507).
Comme souvent, l’expérimental devient la norme et après une première prolongation intervenue en 2018 (cf. décret n°2018-617 du 17 juillet 2018), le décret n°2022-929 prolonge le dispositif de cinq ans supplémentaires, jusqu’au 31 décembre 2027.
2) Extension du nombre de contentieux concernés par la suppression du degré d’appel
Outre la prolongation dans le temps du dispositif de suppression de l’appel, le décret n°2022-929 procède également à une extension de son champ d’application.
A titre préliminaire, un tempérament doit cependant être apporté : on remarque en effet que ne bénéficieront plus du dispositif les maisons individuelles qui sont situées en zones tendues. En effet, alors que l’ancienne version de l’article R. 811-1-1 du code de justice administrative concernait les « permis de construire ou de démolir un bâtiment à usage principal d’habitation », la nouvelle version s’appliquera désormais aux bâtiments « comportant plus de deux logements ».
Cette précision mise à part, l’esprit du décret du 24 juin 2022 est bien d’étendre substantiellement le champ d’application des contentieux bénéficiaires de la suppression de la voie d’appel.
On constate tout d’abord que cette suppression concernera non plus seulement les recours contre les permis de construire ou de démolir un bâtiment de plus de 2 logements ou les permis d’aménager un lotissement, mais aussi les décisions portant refus de ces autorisations. Ainsi les pétitionnaires se voyant refuser une autorisation d’urbanisme pourront bénéficier de cette accélération des procédures.
De plus, les tribunaux administratifs statueront en premier et dernier ressort également en matière de recours contre les actes de création ou de modification des zones d’aménagement concerté (ZAC) et contre l’acte approuvant le programme des équipements publics lorsque la ZAC concernée porte principalement sur la création de logements et se situe en tout ou partie d’une commune située en zone tendue.
Enfin, le décret étend la suppression de la voie d’appel aux recours contre des décisions prises au titre du code de l’environnement et du code forestier dans le cadre d’actions ou d’opérations d’aménagements au sens de l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme. Concrètement, il s’agit notamment des autorisations environnementales, des décisions de non-opposition à déclaration préalable en matière IOTA, ou encore de la dérogation « espèces protégées ». Le dispositif ne s’applique que si l’on se situe dans le périmètre d’une opération d’intérêt national (OIN) au sens de l’article L. 102-12 du code de l’urbanisme ou d’une grande opération d’urbanisme (GOU) au sens de l’article L. 312-3.
Si cette dernière dérogation semble relativement circonscrite, difficile de ne pas s’interroger sur son sens, qui ne présente plus aucun rapport avec la construction de logements en zone tendue qui constitue pourtant l’objectif premier de ce texte.
3) Extension du délai de jugement de 10 mois aux contentieux des refus d’autorisation d’urbanisme
Enfin, le décret du 24 juin 2022 modifie également l’article R. 600-6 du code de l’urbanisme qui porte sur les délais de jugement des recours portant sur les autorisations d’urbanisme relatives aux logements. Selon cet article, ces contentieux doivent être jugés dans un délai de 10 mois.
Alors que le droit actuel n’impose ce délai qu’aux recours portant sur les autorisations d’urbanisme octroyées, le décret n°2022-929 prévoit d’étendre cette règle aux décisions de refus de délivrance desdites autorisations.