Le Sénat a adopté un amendement déposé lors de l’examen de la loi relative à la simplification de la vie économique, dont l’objet est d’instituer une expérimentation visant à faciliter les conditions d’implantation des pylônes de téléphonie mobile dans les communes littorales.
I. L’état du droit existant
Pour les 1.200 communes concernées par la Loi Littoral, l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme pose le principe d’une extension de l’urbanisation possible uniquement :
- soit en continuité avec les agglomérations et villages existants.
- soit dans des secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d’urbanisme et se distinguant des espaces d’urbanisation diffuse par la densité de l’urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d’accès aux services publics de distribution d’eau potable, d’électricité, d’assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d’équipements ou de lieux collectifs.
Certes, ce principe souffre de diverses dérogations, énumérées aux articles L. 121-10, L.121-11 et L.121-12 du code de l’urbanisme, bénéficiant par exemple aux éoliennes.
Mais, à ce jour, ces dérogations ne concernent pas les pylônes de téléphonie mobile. Aussi, dans un avis rendu le 11 juin 2021, le Conseil d’Etat a dit pour droit que l’implantation d’une infrastructure de téléphonie mobile comprenant des antennes relais et leurs systèmes d’accroche doit être regardée comme constituant une extension de l’urbanisation, soumise au principe de continuité avec les agglomérations et villages existants au sens de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme (CE, 11 juin 2021, n°449840).
II. Les demandes des opérateurs
Du point de vue de la Fédération Française des Télécoms (FFT) représentant les opérateurs français de téléphonie mobile, les restrictions prévues par le code de l’urbanisme pour les communes classées en zone littorale, « affectent de façon très concrète un nombre important de projets de site sur les territoires du littoral. »
Or, toujours selon ces acteurs, l’installation de ces dispositifs en zone littoral représenterait un enjeu fort compte-tenu des variations de population à l’année et des conditions spécifiques de propagation des ondes électromagnétiques en raison de la proximité de la mer.
C’est dans ce contexte que le Sénat a adopté, lors de l’examen de la loi de simplification de la vie économique, un amendement visant à assouplir les conditions d’implantation des pylônes de téléphonie mobile sur les côtes. Notons que, le 2 mai 2024, une proposition de loi poursuivant un objectif identique avait également été déposée à l’Assemblée Nationale.
III. Les modifications adoptées par le Sénat
L’amendement adopté par le Sénat prévoit qu’à titre expérimental jusqu’au 31 décembre 2028, par dérogation à l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme, l’implantation des pylônes de téléphonie mobile pourra se faire en discontinuité avec les agglomérations et villages existants et les secteurs déjà urbanisés, sur décision du Maire ou du président de l’établissement public intercommunal (EPCI) compétent pour se prononcer sur l’autorisation d’urbanisme, après avis conforme de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CNDPS). Notons que l’amendement maintient une inconstructibilité dans les espaces proches du rivage et au-delà d’une bande de 100 mètres à compter de la limite haute du rivage (ou des plus hautes eaux pour les plans d’eau intérieurs).
En l’état, ce texte ne semble pas prévoir d’application automatique de la dérogation à chaque commune littorale, mais un dispositif volontaire ouvert uniquement aux communes littorales et aux établissements publics intercommunaux « dont tout ou partie du territoire est situé dans une zone où aucun service mobile n’est disponible mentionnée à l’article L. 34-8-5« , lesquels pourront présenter leur candidature à cette expérimentation après délibération favorable de leur organe délibérant.
Le contenu de cet amendement se distingue assez sensiblement des dispositions de la proposition de la loi déposée le 2 mai 2024 au bureau de l’Assemblée Nationale en ce que :
- La dérogation à la Loi Littoral est prévue à titre expérimental, jusqu’au 31 décembre 2018, quand la proposition vise à modifier la législation de manière pérenne.
- L’expérimentation n’aurait vocation à s’appliquer qu’aux communes et intercommunalités volontaires affectées par des « zones blanches » après délibération favorable de leur organe délibérant, quand la proposition n’opère aucune distinction entre les communes littorales.
Il conviendra donc de suivre avec beaucoup d’attention l’évolution de ce texte au cours de l’examen de la loi de simplification de la vie économique.
Si cette disposition devait être votée, il y a lieu d’espérer que les gardes fous prévus par le texte garantissent un déploiement raisonné et respectueux des paysages.
Par ailleurs, l’on ne peut que déplorer que cette initiative parlementaire n’ait pas pour objet de combler ce que constituent, à notre sens, les lacunes majeures du cadre juridique actuel en matière d’implantation d’antennes relais, à savoir l’absence de normes permettant d’une part la concertation réelle de la population concernée, et d’autre part la mutualisation effective des pylônes (lire notre article sur ce dernier point : https://actualites.geo-avocats.com/eloge-de-la-norme-inutile-la-mutualisation-des-antennes-relais/ ; https://www.village-justice.com/articles/eloge-norme-inutile-mutualisation-des-antennes-relais,45966.html)